17.08
2023 Discovery

Mountain Riders, association engagée dans la préservation de la montagne, éduque et sensibilise ses différents acteurs à la transition écologique. Au sein de son équipe de choc, Émilie Maisonnasse nous a ouvert les portes de son univers le temps d’une journée, pour nous faire découvrir le quotidien et les enjeux d’une Responsable de projet Montagne Zéro Déchet. 

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France Montagnes (FM) : Qu’est-ce Mountain Riders ?  

Émilie Maisonnasse (EM) : Mountain Riders est une association qui existe depuis maintenant 22 ans et qui a pour objectif de faire de l'éducation à l'environnement. Notre philosophie c'est de sensibiliser sans moraliser. On a pour objectif de faire en sorte de parler de sensibilisation à l'environnement montagne et d'inciter à la transition écologique en montagne. Peu importe que vous soyez un acteur particulièrement convaincu et engagé, ou non. On s'adresse à l'ensemble des acteurs et pratiquants de montagne avec l’idée de toujours faire un pas de plus vers la transition écologique. 

 

FM : Raconte-nous ton travail, c'est quoi ta mission dans le monde de la montagne ? 

EM : Ma mission chez Mountain Riders c'est d'atteindre une montagne zéro déchet sauvage en 2030. Cela passe par le ramassage qui est le point de départ. On organise des ramassages avec toute l'équipe de montagne zéro déchet, et ensuite on fait de la caractérisation de déchet*. À l'issue de cette caractérisation, on fait du lobbying et on va voir l'ensemble des responsables des destinations de montagne ; que ce soient les domaines skiables, les moniteurs de ski, les collectivités […] pour voir avec eux comment réduire les déchets sauvages à la source, puisque c'est cela l'objectif final. 

*Science participative permettant de définir et d’identifier ce qu’est la pollution sauvage. 

 

FM : Le programme Montagne Zéro Déchet comment ça se traduit ?  

EM : Le programme Montagne Zéro Déchet se déroule en 3 temps. Le 1er temps, c'est un moment très festif et joyeux. On part ramasser en montagne les déchets qui trainent dans la nature et qui impactent la biodiversité et les écosystèmes de montagne. Le 2ème temps consiste à caractériser les déchets avec une méthode qui existe à l'échelle nationale […] reconnue au niveau du Ministère de la Transition Écologique. Elle permet d'identifier et de faire un diagnostic très précis de ce qu'est la pollution sauvage en montagne. Et le 3ème temps, c'est d'accompagner les acteurs et les pratiquants à la réduction des déchets sauvages à la source. Cela passe par de la sensibilisation client, mais aussi par des échanges sur les plans d'actions de réduction des déchets sauvages à la source, avec les acteurs professionnels de la montagne. 

 

FM : Combien de dates sont prévues et où sont organisées ces missions ?  

EM : On a pour objectif cette année d'avoir 70 ramassages avec une caractérisation de niveau 2 à l'échelle de tous les massifs de montagne français […] pour avoir un échantillon très précis de cette pollution sauvage. En moyenne, il y a 200 ramassages qui se font avec ou sans nous, et avec ou sans caractérisation de déchets. On travaille sur le terrain et sur l'ensemble des territoires, que ce soit sur les massifs des Alpes du Nord, Alpes du Sud, les Pyrénées, le Massif Central, les Vosges et le Jura. On est présents sur l'ensemble des territoires de montagne en France. 

 

FM : Qui peut organiser ce genre de ramassage ? Comment choisissez-vous les différents sites ? Et qui peut participer ?  

EM : Ces ramassages sont à la portée de tous. Ce sont des instants de partage joyeux, festifs et fédérateurs. Les organisateurs sont les collectivités, les Offices de tourisme, les remontées mécaniques, les écoles de ski et les clubs de sports. Mais ce sont également des actions citoyennes qui peuvent émerger. Ce n'est pas nous qui choisissons les différents sites, ils viennent à nous. On a cette chance d'avoir l'ensemble des territoires de montagne, des acteurs et des responsables de la montagne qui sont particulièrement sensibles à la question de la pollution sauvage. […] on va donc pouvoir former les acteurs pour qu'ils soient autonomes sur les ramassages. C'est là tout notre objectif, faire en sorte que Mountain Riders s'efface peu à peu et que chaque acteur soit opérationnel et autonome sur l'organisation du ramassage et de la caractérisation des déchets. 

 

FM : As-tu des chiffres clés à nous transmettre ? 

EM : Le nombre de déchets collectés l'année passée est de 11 tonnes. Si on extrapole à l'échelle de la montagne, on arriverait à 63 tonnes de déchets sauvages. Concrètement, cela représente 63 télécabines remplies de déchets sauvages. Après, on a des chiffres chocs comme la présence de mégot : 24 000 mégots ramassés l’an passé. On avait aussi beaucoup de déchets liés à l'activité économique.

 

FM : 80% de la pollution marine est liée à la terre, peux-tu nous en dire plus ? 

EM : Effectivement, il faut bien comprendre que le cycle de l'eau et le même que le cycle des déchets. La montagne n'est pas isolée. Avec le vent, un emballage alimentaire, un paquet de chips ou un mégot qui traine en montagne va naturellement suivre les cours de l'eau et ainsi aller se lover dans un petit torrent. Le torrent va aller dans les rivières, les rivières vont aller dans les fleuves, et ces derniers se déverseront dans les mers et les océans. C'est pour cela que 80, voire 90% des déchets qu'on retrouve dans les océans viennent de la terre. Il faut avoir en tête qu’on parle de 8 millions de tonnes de plastique déversés chaque année dans les océans. Quand on compare à nos 63 tonnes de déchets en montagne, on se rend compte qu'on est des petits joueurs. Mais 63 tonnes de déchets ce n'est pas rien. Cela peut avoir un réel impact environnemental, tout en étant parfaitement réaliste. Atteindre une Montagne Zéro Déchet d'ici 2030 est un objectif tout à fait atteignable. 

 

FM : Est-il simple de motiver du monde à venir vous aider ? Combien êtes-vous environ à chaque session ? 

EM : On a un très grand engouement pour le ramassage des déchets. En général, on a plus de demandes que notre équipe est en mesure de pouvoir répondre. La participation citoyenne est très forte, on a environ 150 personnes par ramassage. C'est une activité qui est très chouette parce que c'est intergénérationnel. On peut retrouver des tous petits bouts de chou de 3 ans et des grands-parents. C'est une action qui est fédératrice et festive. 

Mountain Riders sensibilise chaque année environ 80 000 personnes. 

 

FM : Peux-tu nous parler des sacs que vous utilisez pour les ramassages ? 

EM : Un grand merci à France Montagnes qui a réutilisé des anciennes bâches publicitaires pour en faire des sacs à déchets, plutôt que d'utiliser des sacs en plastique à usage unique (ce qu'on utilisait jusqu'à présent pour ramasser les déchets). Aujourd’hui, on donne aux bénévoles et aux participants des centaines de jolis sacs réutilisables offerts par France Montagnes.  
 

FM : Comment occupes-tu tes hivers ? 

EM : L’hiver nous sommes davantage dans le travail de bilan et de sensibilisation de lobbying auprès des grands dirigeants. […] notre travail est d'essayer de sensibiliser au travers des chiffres, et de montrer que la pollution sauvage n’est pas que l'affaire des touristes mais de chaque acteur de la montagne. […] on cherche aussi à montrer que la montagne est le seul milieu qui peut redevenir vierge de toute pollution sauvage. Puisqu'on est au départ du cycle de l'eau, on ne va pas de fait être (re)approvisionné en déchets. L’objectif est donc de se responsabiliser et de prendre part dans la dépollution de la planète.  

L'ensemble des acteurs de la montagne s’est engagé le 16 mars dernier en signant la charte Montagne Zéro Déchet sauvage en 2030. […] c'est très réjouissant de voir que tout le monde est motivé, que tous les acteurs de la montagne se sont réellement fédérés autour de ce sujet. Cela permettrait de rendre la montagne exemplaire en matière de gestion des déchets sauvages. 

 

FM : Une anecdote à nous partager ?  

EM : Il y a des gros ramassages, comme encore ce matin. On ramasse plus de 800 kg / 1 tonne de déchets. C'est un travail lourd, c'est un vrai acte de dépollution et ça demande énormément de travail. Donc c'est chouette à chaque fois de voir tout le monde qui à 20, 30, 40, 60 ans se mobilise pour caractériser des déchets.  

Après, il y a les anecdotes avec les enfants, parce que voir des enfants faire un ramassage c'est extrêmement touchant. Voir que pour eux ce travail est quelque chose de ludique et qu'ils prennent plaisir à jouer en protégeant l'environnement, cela fait plaisir à voir. 

 

FM : En quoi la montagne ça te gagne ? 

EM : La montagne ça me gagne parce que c'est la montagne qui me rend heureuse et qui me nourrit tous les jours !

 

Crédit photo de couverture : ©Lucas Stanus

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